Les Inrocks, In The Mood for Sound, par Sylvie lambert (extrait) :

On sort du concert de François-Eudes Chanfrault touché de l'intérieur. Tête à rebours, ventre vrillé par les infrabasses et textures spectrales, le coeur errant entre spleen et apathie. Pourtant, même à l'air libre, on se languit de cette résonance pénétrante, contrainte d'oeuvrer comme on peut à présent avec cette seconde peau sonore, tissée entre chair et os. Alors on reste comme ça, dans cette humeur mélancolique, sérieusement introspective. Diable, mais quelle est cette musique étrange qui imprègne les sens ? La musique de François-Eudes Chanfrault ne fait pas dans la complaisance : pas de bruits doux accommodants, ni faciles superpositions de nappes où il ne se passe rien. On a affaire à "un pur mélange d'électronique, de mécanique et de technique qui produit de l'organique. Une histoire (...) charnelle".

(...) Le 18 septembre, Personal Computer Music and Guest ("Musique d'ordinateur et invités"). C'était le premier concert de FrançoisEudes Chanfrault au Centre Pompidou, précédant Jan Jelinek et Vladislav Delay dans le cadre des Rendez-vous électroniques. Public silencieux et souffle retenu de rigueur, mais passage réussi, le compositeur ayant
su recréer sur scène son récit sonore, sa brèche dans l'intime. C'est tout un art que de flirter avec les références au réel (vent, océan, pluie, solell, avion) et la narration (faits divers ou histoires perso) sans jamais s'y complaire: "Je ne cherche pas à raconter une histoire au sens classique du terme, on sait depuis Stravinski qu'une note est une note. Mais je ne n'oublie jamais l'humain: je veux emporter mon auditeur." Son premier CD, Computer Assisted Sunset ("Coucher de soleil assisté par ordinateur"), a été pensé dans cette veine. La playlist s'initie et se clôt par l'une de ses créations pour le cinéma, Qui a tué Bambi de Gilles Marchand (2003), avec ce piano qui entre, "mélodie sans soutien, une main droite sans la gauche, à poil'; et ce quatuor à cordes vibrantes. Mais il y a surtout le sublime enchaînement The Park, Solaris, Computer Assisted Sunset - joués à Beaubourg - et Untitled (Redux) : bribes, relents étranges, vrombissements, tenues aiguës..., le travail sonore ultra abouti produit abysses résonantes et ciselure acoustique. L'auditeur est cerné, absorbé par le son, les tripes sur le fauteuil. François-Eudes Chanfrault, les cheveux en boucles, vieux Levi's élimé et veste Martin Margiela sur le dos, "seul vêtement qui vous tient un lendemain de fête", est un esthète. Sa musique puise autant dans Berg, Ligeti et Ravel que Pan Sonic ou Kubrick, avec Duras en toile de fond : "Rien de plus, rien de moins, ma musique est durassienne et j'entends qu'elle le soit. Structure, rythme, sonorité, je suis un névrosé des choses qui s'arrêtent."

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